Un Trail de Nuit, à la lueur de la frontale, dans la forêt glacée et silencieuse d’une soirée de décembre : vendu comme ça, on hésite à signer…
Pourtant, ce trail de nuit est une de mes expériences de course à pied les plus fortes à ce jour : aiguisés par l’obscurité, les sens décuplent les perception, et donnent à l’expérience une dimension inédite.
Jusqu’ici, une course, c’était se lever à l’aube, enfiler les affaires prêtes de la veille et finir de se réveiller dans le sas de départ.
Mais lorsque le top est donné à 17:30, la journée toute entière est tournée vers ce seul moment, et je découvre cette gestion de l’attente entre l’excitation et les questions : quand et quoi manger? La pluie du matin va-t-elle s’arrêter? Le rayon de soleil de midi va-t-il durer?
Mes jambes sont impatientes, et mon esprit imagine déjà le halo de la frontale caressant l’atmosphère brumeuse, dans le silence enveloppant de la forêt la nuit…
Le trajet en RER accentue encore le décalage : avec mes baskets boueuses du précédent trail et mon équipement rose Fluo réfléchissant, je ne passe pas inaperçue au milieu des familles chargées de sacs qui rentrent de leur shopping de Noël!
C’est en retrouvant Mathieu à la Gare de Versailles que je sors de ma bulle : ses Brooks et son sac à dos me replongent en environnement familier, et c’est avec la même hâte (et une bonne heure d’avance) que nous arrivons dans le gymnase pour retirer nos dossards. On s’équipe tranquillement alors que la nuit tombe : c’est pour moi la première expérience de “frontale”, et même si je l’ai testée, je m’étonne de son confort. Le temps de la tradionnelle photo “dossard (154) + ongles” postée sur FB, l’heure du départ est là. Au milieu de 200 autres cyclopes tout de phosphorescent vêtus, nous écoutons les consignes de sécurité et faisons une ovation aux 2 goélettes qui s’élancent, concentré d’énergie et de sourires qui prennent encore plus de sens en ce jour de Telethon.
Dès le premier sentier, je peux contempler, émerveillée, la farandole de lumières devant et derrière moi : là, dans cette soirée étonnamment douce de début décembre, les jambes adoptent un rythme tranquille pendant que les yeux s’adaptent à la nuit. Regarder devant soi les quelques mètres éclairés, mettre “la vue au bout des pieds” pour anticiper les pierres et les branches – la machine se met en route, s’adapte, et se plaît…
Les kilomètres défilent au gré des morceaux de rubalise réfléchissante.
La pénombre apprivoisée, je peux maintenant profiter à fond de l’ambiance surréaliste de la forêt : les feuilles mortes qui scintillent dans le faisceau de la frontale, la musique de mon iPod qui prend une dimension particulière dans le silence presque palpable, l’odeur des feuilles mortes et de la terre après la pluie… Mon mental est tout à la fois observateur de toutes ces sensations exacerbées, et ancré dans chaque instant dont je profite à fond.
Km 8, un surplomb au-dessus des lumières de la ville me stoppe net : la vue, le silence, la forêt, j’arrête la musique pour m’emplir de ce que j’étais venue chercher dans ce trail de nuit.
Km 9, je croise une goélette en bas d’une cote : alors que l’équipe de porteurs clame des “on n’est pas fatigués!!” pour se donner du courage, le sourire de son petit passager est à lui seul une source d’énergie qui nous ferait franchir des montagnes.
Km11, le moment de grâce : celui qui, dans une course, me fait monter les larmes aux yeux tellement tout est à sa place. Les jambes qui avancent, la musique à fond dans les oreilles (X-Japan, que je repasserai 3 fois ensuite), à cet instant je pourrais courir toute la nuit, et je goûte le simple plaisir d’être là.
3 belles côtes plus tard, km14, mon euphorie est calmée : un SMS de Mathieu m’avertit qu’il a bouclé le parcours en moins d’1h50 – il me reste encore 3km, qui, à ce moment là me paraissent interminables… Alors je passe en mode “off” : courir, finir, et rien d’autre. Mon mental est déconnecté, il se concentre sur l’essentiel (le sol devant mes pieds). Une dernière côte, quelques belles descentes bienvenues, j’ai le gymnase en point de mire, je remercie les bénévoles qui m’encouragent et me disent que c’est presque la fin…
Encore un détour, et au bout d’une dernière accélération, le gymnase, plein de lumière et de monde, contraste euphorisant qui porte une dernière accélération. J’aperçois Arnaud, venu encourager ces derniers mètres, et Mathieu, qui m’a attendue. Je passe sous l’Arche tandis que les speakers annoncent mon nom, et hurle tout le bonheur de l’avoir fait, d’avoir fini, d’avoir kiffé.
J’ai une pensé pour mes potes pour qui le soleil se couche dans la Trans’Martinique après déjà 12h de course, ou peur ceux qui sont prêts à s’élancer sur la SainteLyon.
Je pense déjà à mon prochain trail de nuit.