Fibromyalgie.
C’est un terme que j’avais laissé de côté depuis longtemps. Rangé, comme s’il avait été trop prononcé, trop entendu, trop expliqué, et qu’il avait droit maintenant au repos mérité des mots qui ont bien servi.
Pourtant depuis quelques mois, il se présente à nouveau, de multiples façons : articles, demandes clients, et surtout, découverte à Barcelone d’une association qui milite, via le sport en général et le Running en particulier (tiens donc!), pour “rendre visible cette maladie invisible”…
Une conjonction de rencontres qu’il m’était impossible d’ignorer plus longtemps.
Un mot sur Internet
Pendant 2 ans, j’ai cru que ce qu’il y avait de pire c’était d’avoir mal sans savoir pourquoi. Me réveiller un matin en ayant l’impression qu’on me broyait une articulation, mais ne jamais savoir laquelle à l’avance – ni combien de temps ça allait durer. Alors bien sûr au début, à chaque attaque, on court chez le médecin : batterie d’examens, analyses en tous genres. Pendant un an, la Sécu a dû me détester. Surtout que c’était totalement inutile : j’avais mal mais je n’avais rien. Au mieux, c’était “dans ma tête”. Au pire, j’affabulais, suspectée sans doute d’être en quête d’un arrêt de travail… Alors j’ai fini par serrer les dents : quand ma main ne pouvait plus écrire, qu’importe puisqu’il m’en restait une autre pour taper sur le clavier de l’ordinateur!
Mais “ça” a commencé à envahir ma vie : soit la douleur était présente et c’était l’horreur, soit elle n’était pas là et je la guettais – jusqu’à ce que cette appréhension et le stress qui en découlait contribue évidemment à déclencher une crise…
Et puis un rhumatologue a mis un nom : “Regardez Fibromyalgie sur internet” m’a-t-il dit. Nous étions en 2005, je n’avais jamais entendu ce mot, et bien sûr, ma première réaction a été de demander si c’était grave. Je m’attendais à tout, mais pas à sa réponse : “Oh pas du tout! La seule chose que vous risquez c’est de vous jeter par la fenêtre quand vous en aurez marre d’avoir mal!”. Réjouissante perspective : une maladie auto-immune mal connue, qui provoque une multitude d’effets dont les principaux sont la douleur et l’extrême fatigue, qui ne laissait d’autre alternative, selon les médecins, que d’augmenter sans fin les doses de calmants.
Grâce à Internet, je faisais enfin le lien entre des symptômes auxquels j’avais trouvé des bonnes excuses (Epuisée? Normal, je travaillais tellement… Sommeil non réparateur? Forcément puisque j’avais mal…etc…).
A cause d’Internet, je passais par des phases de découragement intense, en lisant les témoignages déprimants de malades à bout de forces : tous expliquaient que le problème de cette maladie n’est pas la douleur, ni la fatigue constante. Cela, “on s’y fait”. Mais j’ai découvert alors que le pire, c’est d’avoir mal sans que ce soit “grave”. Comment expliquer un état qui nous ronge alors même qu’il ne nous tue pas? Cette incompréhension permanente semblait isoler les malades bien plus sûrement que tous les autres symptômes…
L’exploration intérieure
C’est aussi grâce à Internet qu’un jour, je suis tombée sur un forum canadien bien plus optimiste, qui conseillait d’explorer les techniques alternatives telles que l’acuponcture, les thérapies énergétiques et l’hypnose. Explorer : qu’à cela ne tienne! Pourtant, avec mon Bac scientifique et ma véléité de jeunesse de devenir chirurgien, j’étais plutôt branchée médecine traditionnelle. Mais le jour où le patron d’un service anti-douleur réputé m’a répondu par mail “qu’il ne pouvait rien pour moi et que je ferais mieux de consulter un service de psychiatrie” (!!!), j’ai poussé la porte d’un cours de Qi Gong…
La découverte de la circulation de l’énergie dans mon corps m’a bouleversée. Semaine après semaine, je plongeais dans un univers de ressentis qui m’étaient jusque là totalement étrangers. J’écoutais mon corps autrement que par la douleur, et chaque séance provoquait une crise suivie d’un bon moment d’accalmie… Ça bougeait…
Pour aller plus loin, j’ai reçu des séances de Reiki : moments de tsunami internes aussi puissants d’un point de vue énergétique qu’au niveau émotionnel. J’écoutais mon corps, là aussi, mais surtout j’écoutais les émotions bloquées : et sans vraiment comprendre comment, tout ce que je lâchais en peurs, colères, frustrations et autres mal-être, me laissait ensuite épuisée mais soulagée.
Et LA rencontre essentielle fut celle de l’hypnose. Ma demande était de pouvoir gérer la douleur : dans un premier temps, une thérapeute m’apprit comment me mettre en “état d’hypnose”. Puis elle me fit expérimenter que l’on peut utiliser les caractéristiques d’une sensation pour mieux agir dessus : ça brûle? Ok, je vais imaginer y mettre du froid – et mon imagination sous hypnose créait des pansements de glace. Ça lance? Ok, mon “inconscient” ingénieux imagine un gros coussin pour amortir la résonance. Et ainsi de suite…
En quelques séances, je savais limiter l’effet des crises, couper le stress avant qu’il n’amplifie les premières sensations, et même mettre celles-ci de côté. Mais ces premières heures d’introspection m’avaient aussi permis de d’identifier qu’au travers de ces douleurs, mon corps me transmettait des messages que j’avais eus du mal à entendre jusque là, dans lesquels les termes de “contrôle”, “exigence”, ou “lâcher-prise” revenaient souvent… Je m’informais en parallèle sur “la fibro” : on a un terrain propice, mais elle se déclenche souvent via un choc émotionnel. Alors je remontai sous hypnose à la première crise, dans cet avion pour Biarritz qui me conduisait à l’enterrement de mon grand-père. J’appris aussi à travailler sur le sommeil : m’endormir même quand je ne supportais plus le contact du matelas, faire des siestes “flash” pour récupérer dans la journée – plus je découvrais les applications de l’auto-hypnose, et plus je testais tout ce qui pouvait soulager mon quotidien, en plus du travail de fond que je continuais avec les séances d’hypnose et de Reiki.
En rémission définitive
Pendant deux ans et demi, j’ai ainsi apprivoisé la fibromyalgie. J’avais compris que la combattre était le plus sûr moyen de la nourrir : j’ai donc intégré son existence, respecté le fait qu’elle était là pour me permettre un travail sur moi que je n’aurais sûrement jamais entrepris. Mais en même temps, j’ai choisi de ne pas la laisser dicter ma vie : je travaillais, quel que soit mon état – donnée ô combien imprévisible. Je me mis à courir régulièrement : je me souviens de ma première édition de la Parisienne, pendant laquelle je serrais les dents en me répétant que “ça” ne gagnerait pas. Je me souviens surtout du premier semi-marathon : allure d’escargot, mais une telle émotion d’avoir pu le finir! Chaque effort réussi était une forme de victoire, mais il me fallait souvent me contenter de peu – apprentissage de la limite de mon exigence…
La plupart du temps, à l’extérieur, je masquais – enfin, j’essayais, mais je savais très bien que les crises marquaient mon visage de cette fatigue douloureuse que mes proches connaissaient par cœur. “Toi, tu as mal“, me disait-on régulièrement – et l’inquiétude que je lisais autour de moi était peut-être le plus dur à supporter…
Et puis il y a eu février 2009, et cette journée particulière où quelques mots ont enfin rendu la douleur inutile. Sur le coup bien sûr, je n’en savais rien. Ma thérapie “énergético-hypnotique” avait atteint son but – enfin, le mien en l’occurence – et la maladie n’avait plus lieu d’être. Les crises se sont espacées, mais même si je savais intérieurement que j’avais franchi un cap important, je refusais de me dire “guérie“. Je le refuse encore, en me disant que cela m’incite à la prudence, à l’écoute de moi-même et à l’indulgence – et de toute façon, je sais qu’en cas de besoin j’ai à ma disposition les outils pour gérer. Je me considère donc en “rémission définitive”, et le terme me semble écologique.
Alors j’ai laissé tout cela derrière, en observant de loin la reconnaissance croissante de la pathologie. Je me suis formée au Reiki et à l’hypnose qui m’avaient tant apporté, et ma vie a progressivement pris le chemin de l’accompagnement – comme si tout cela prenait finalement un sens.
Et j’ai aussi continué à courir – et la revanche s’est transformée en passion. C’est via cette passion que j’ai “repris contact” avec la fibromyalgie, en découvrant sur les réseaux sociaux le challenge de deux runners de Barcelone : courir 121km pour récolter des fonds et faire parler de cette maladie. L’association #IMHEART veut “rendre visible une maladie invisible”, et pour cela, son fondateur, dont la maman souffre depuis des années, a choisi de mobiliser la communauté qu’il connaît bien de la course à pied, du Trail, du triathlon. Les tee-shirts et drapeaux “YoSoyIMHEART” sont donc présents dès que possible sur les événements catalans, et ailleurs aussi. Pour la course Desert Run à laquelle je participerai Maroc en octobre prochain, qui représente pour moi un challenge, il m’a paru évident d’associer cette cause, dont je sais qu’elle va me porter.
C’est leur devise qui m’a parlé :”El dolor lo elijo yo” (la douleur, c’est moi qui la choisis). Bien sûr elle évoque la douleur que les sportifs s’infligent pour mieux la dépasser – et elle résonne avec le message qui me tient à cœur, celui de ne pas en rester aux prédictions médicales décourageantes, car on peut agir, on peut faire évoluer les symptômes. En rencontrant cette association, j’ai réalisé le luxe que j’ai de pouvoir aujourd’hui courir en ayant “seulement” mal aux jambes ou des courbatures – et j’ai donc sorti le mot de son repos.
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